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Cyclades et Transpac entrent dans l’histoire
La France en réseaux (1960-1980)
Un livre de Valérie Schafer (tome 1)
Article mis en ligne le 26 juillet 2012
dernière modification le 27 mai 2014

par Laurent Bloch

Valérie Schafer, une historienne des télécommunications et de l’informatique au sein d’un laboratoire du CNRS, l’Institut des Sciences de la communication (ISCC), nous livre dans ce premier volume le début de l’histoire des réseaux informatiques en France.

Cette histoire est un roman qui nous tient en haleine par les péripéties de la lutte entre deux clans : les télécommunicants, affiliés à la Direction générale des télécommunications du ministère des PTT (DGT, qui deviendra France Télécom et Orange), et les informaticiens, regroupés sous la bannière de l’IRIA [1], autour de leur chef charismatique Louis Pouzin (il n’aimerait sans doute pas le terme de chef, mais je n’en vois pas d’autre). Et nous sommes déjà avertis que tous les retournements de situation sont possibles dans cette histoire, et que ceux qui auront semblé l’emporter à la fin de ce premier volume ne sont pas assurés de leur suprématie pour les épisodes à venir.

Commutation de circuits ou commutation de paquets ?

La fonction des réseaux de télécommunications est d’acheminer des messages qui, depuis une cinquantaine d’années au moins, sont codés sous forme numérique, qu’il s’agisse de voix, d’images ou de données textuelles.

Le premier dilemme des réseaux, déjà en voie de règlement au début de notre histoire (1960), opposait commutation de circuits et commutation de paquets.

La commutation de circuits est (était, devrais-je dire) un procédé physique d’aiguillage des communications. Dans le téléphone d’antan, l’établissement d’une communication consistait à établir une continuité filaire de bout en bout entre les parties communicantes, par des relais électro-mécaniques.

À l’inverse, la commutation de paquets est un procédé logique : le flux de la communication, qu’il soit déjà numérique (données, images) ou encore analogique, comme la voix que l’on codera alors sous forme numérique, est découpé en paquets de quelques centaines ou quelques milliers de caractères. Des dispositifs informatiques seront utilisés pour identifier les paquets et pour les envoyer chacun vers sa destination, ce qui permet d’utiliser un même lien physique pour plusieurs communications simultanées (cela s’appelle le multiplexage).

Une fois ce premier dilemme tranché en faveur de la commutation de paquets, en surgira un second, entre circuits virtuels et datagrammes.

Invention de la commutation de paquets

La paternité de la commutation de paquets est généralement attribuée à Paul Baran, dans un rapport pour la Rand Corporation en 1961. Mais il semble bien que ce rapport ait été assez largement ignoré des inventeurs de réseaux (cf. p. 61), et redécouvert ultérieurement.

Le premier réseau à commutation de paquets fut Arpanet. La commande en fut passée en 1966 à Lawrence (Larry) Roberts, un ingénieur du MIT, par Robert Taylor, le directeur de l’Information Processing Techniques Office (Ipto) de l’Advanced Research Projects Agency (ARPA), une agence du ministère américain de la Défense. L’objectif visé était de permettre la communication de l’ARPA avec les laboratoires auxquels elle avait attribué des contrats de recherche, et de ces laboratoires entre eux. Comme les laboratoires étaient équipés d’ordinateurs de constructeurs variés et incompatibles entre eux, il fallait que le réseau fonctionne selon des protocoles ouverts, accessibles à des systèmes différents.

Au MIT, Roberts était lié à Leonard Kleinrock, qui avait publié en 1961 un article sur la commutation de paquets, et qui devint professeur à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) en 1963. Par ce canal, il avait entendu parler de la commutation de paquets, mais il avait également eu des contacts avec Donald Davies du National Physical Laboratory (NPL) britannique, inventeur du terme packet switching, et qui développait aussi un projet de réseau, le NPL Network (p. 62).

D’après Katie Hafner et Matthew Lyon (Where Wizards Stay Up Late — The Origins of the Internet) il semble que lorsque Larry Roberts, déjà au courant d’une théorie de la commutation de paquets par des échanges avec Leonard Kleinrock et avec Roger Scantlebury, de l’équipe de Donald Davies au National Physical Laboratory, ait découvert les travaux de Baran dans les rayonnages de l’IPTO.

Commutation de paquets sur circuits virtuels

La méthode des circuits virtuels repose bien sur la commutation de paquets, mais pour une communication donnée elle établit un itinéraire physique par lequel passeront tous les paquets concernés, sans préjudice du fait que tout ou partie du lien physique soit partagé avec d’autres communications.

On peut comparer la commutation de paquets sur des circuits virtuels à la circulation de wagons de marchandises dans un réseau ferré : ils sont accrochés à des locomotives pour former des trains. Soit par exemple un wagon à acheminer de Lille à Nice. Il va d’abord être accroché à un train Lille-Paris, puis à Paris, dans une gare de triage, accroché à un nouveau train Paris-Marseille, en compagnie de nouveaux compagnons wagons. À Marseille, un nouveau triage aura lieu, à l’issue duquel un train venant par exemple de Perpignan mènera notre wagon jusqu’à Nice. Ces trois trains successifs auront roulé à des vitesses différentes en comportant des wagons différents, mais nous pouvons dire, du point de vue de l’entreprise lilloise qui envoyait le contenu d’un wagon de Lille à Nice, qu’ils ont constitué un unique train virtuel Lille-Nice pour le wagon qui nous intéresse. Sur aucun des trois segments de la ligne virtuelle Lille-Nice, le wagon n’a eu besoin d’un conducteur informé de la destination et de l’itinéraire détaillé pour y parvenir : le conducteur de la locomotive et les opérateurs des postes d’aiguillage ont assuré son acheminement. Il fallait juste une étiquette (sans doute à code barre ou électronique) « Nice » sur le wagon pour qu’il soit correctement aiguillé lors des opération de triage. Tous les wagons sont passés par les mêmes gares, et sont restés dans le même ordre.

Les réseaux informatiques conformes à la norme X25, dont l’exemple en France est le réseau Transpac, popularisé en son temps par le Minitel dont il était le support, fonctionnent selon un principe conforme à la métaphore du train de marchandises.

Le progrès par rapport à la commutation de circuits est considérable : plusieurs circuits virtuels peuvent partager, pour une partie de leurs trajets respectifs, la même infrastructure physique. Les tronçons très fréquentés peuvent être équipés de lignes à plus haut débit que ceux qui le sont moins. Les concentrateurs réalisent l’adaptation de débit entre les liaisons de caractéristiques différentes.

Commutation de paquets par datagrammes

La méthode des datagrammes : passons de la métaphore ferroviaire à la métaphore routière. Soit une noce : la famille et les différents groupes d’invités doivent se rendre au village où ont lieu la cérémonie et le banquet. Ils y vont en voiture. Plusieurs groupes partent de la même ville, mais ils ne tiennent pas tous dans la même voiture, alors ils voyagent indépendamment. Tous ne prennent pas le même itinéraire, et les premiers partis ne sont pas forcément les premiers arrivés. Certains ont étudié la carte et déterminé un trajet jusqu’au village, mais d’autres, plus insouciants, se fient aux panneaux indicateurs qu’ils observent au bord de la route ou aux carrefours au fur et à mesure de leur progression vers l’objectif, ce qui ne devrait pas les empêcher d’arriver à bon port. Si la noce est très nombreuse elle peut saturer l’autoroute, auquel cas les panneaux lumineux de type « bouchon à 5 km » viendront avertir les retardataires qu’il vaut mieux prendre l’itinéraire de délestage, ce qui leur permettra éventuellement d’arriver avant les premiers partis.

À l’arrivée au village il a été convenu de former un cortège, ce qui suppose bien sûr un ordre protocolaire : d’abord la voiture de la mariée, puis celle du marié, puis celle de la belle-mère, etc. Évidemment les voitures n’arrivent pas dans le bon ordre, et pour rester fidèle à la tradition la mariée arrivera la dernière, aussi faudra-t-il une manœuvre supplémentaire pour constituer le cortège dans le bon ordre, ce qu’aurait évité un voyage par train spécial.

Le tableau que nous venons de dresser du départ et du regroupement final de la noce figure assez fidèlement l’acheminement d’un message de bonne taille par l’Internet conformément au protocole IP (Internet Protocol). Chaque voiture représente un paquet, appelé aussi datagramme IP, ce qui insiste sur son caractère autonome, par opposition au paquet X25, sagement rangé en file sur un circuit virtuel. Le cortège nuptial des voitures remises dans le bon ordre représente le message tel qu’il doit parvenir à destination. Comme chaque paquet est acheminé indépendamment des autres, par un itinéraire éventuellement différent, il ne suffit pas pour savoir comment l’acheminer d’un numéro de circuit virtuel, donc chaque paquet doit comporter son adresse d’origine et son adresse de destination. Le protocole IP définit un format d’adresse, et les organismes de coordination de l’Internet en assurent l’unicité à l’échelle mondiale.

La notion de datagramme comporte une caractéristique que notre métaphore ne peut pas traduire, pour une raison qui se comprendra aisément : les datagrammes ont le droit d’arriver dans un ordre différent de celui du départ, mais ils ont aussi le droit de ne pas arriver du tout. Il faut juste un mécanisme pour avertir l’émetteur de la non réception d’un datagramme. Ce mécanisme, inventé par Louis Pouzin, consiste à donner à chaque datagramme un numéro d’ordre, et à vérifier à l’arrivée, pour un intervalle donné de numéros appelé fenêtre, que tous les numéros sont bien arrivés. S’il en manque un, on demande simplement à l’émetteur de le renvoyer, ce qui est bien sûr impossible avec les invités de la noce.

Cyclades et l’invention du datagramme

En 1968 se forme le Network Working Group, dirigé par Stephen Crocker, avec Kleinrock et quelques étudiants comme Vinton Cerf et Jon Postel, rejoints par Robert Kahn de BBN (p. 69) : ce groupe va spécifier les composants d’Arpanet, l’Interface Message Processor (IMP) et le Network Control Program (NCP). À partir de 1972, Cerf et Kahn commencent à réfléchir au remplacement de NCP, jugé trop primitif (p. 199) : ce sera l’origine de TCP/IP [2].

C’est dès 1969 que les ingénieurs français prennent connaissance de ces réalisations, par une mission à UCLA organisée par Maurice Allègre, alors Délégué à l’informatique [3]. En janvier 1971 Michel Élie fait un exposé du projet Arpanet lors d’une réunion organisée par la Délégation (p. 71). Maurice Allègre décide de lancer un projet de réseau similaire (p. 72), hébergé par l’IRIA [4] et il en confie la direction à Louis Pouzin, un polytechnicien à l’esprit libre qui a beaucoup travaillé aux États-Unis, notamment sur les premiers systèmes en temps partagé, comme avec Fernando Corbató sur CTSS, où il a inventé l’idée de shell, un langage programmable de commande des ordinateurs, toujours en vigueur en 2012.

Ce projet est baptisé Cyclades. L’idée en est de constituer un réseau ouvert, accessible à des ordinateurs de constructeurs et de modèles différents, pour permettre la libre circulation des données et le partage de moyens de calcul entre centres de recherches et administrations. Pour ce faire, Cyclades repose sur un sous-réseau de transport, Cigale, et les sites terminaux accèdent au réseau en se connectant à un nœud Cigale, réalisé à partir d’un mini-ordinateur Mitra 15 de la compagnie nationale française CII, active dans le projet.

Ce projet contraste vivement avec le projet de réseau des télécommunicants, réseau fermé entièrement contrôlé par une administration centrale, qui décide quels seront les services disponibles, comment et à quel tarif. Il est aussi à l’opposé des architectures de réseau développées par les constructeurs d’ordinateurs pour les seuls modèles de leur marque.

Dès le lancement de Cyclades, Louis Pouzin et son équipe vont multiplier les contacts internationaux, par des missions aux États-Unis, comme le séjour de Gérard Le Lann durant un an (1973-1974) à l’Université Stanford auprès de Vinton Cerf, et par la participation à des conférences et à des groupes de travail, notamment l’International Network Working Group (INWG), constitué en octobre 1972 au sein de l’International Federation for Information Processing (IFIP, p. 153). Louis Pouzin sera très actif dans tous ces groupes et y exercera une grande influence. On lira notamment avec profit à ce sujet un article d’Alexander McKenzie, INWG and the Conception of the Internet : An Eyewitness Account.

C’est ainsi, au gré d’allers et retours entre l’expérimentation sur le terrain et les échanges avec les équipes en pointe sur le plan international, que Louis Pouzin en viendra au concept de datagramme, dont il est l’auteur. Vinton Cerf lui en donnera crédit (p. 203), les idées de Pouzin ont été incorporées à la conception de TCP tel que décrit dans l’article de 1974.

Arpanet était un circuit à commutation de paquets sur circuits virtuels. Les discussions au sein de l’INWG, auxquelles Louis Pouzin sera le contributeur essentiel, déboucheront sur la commutation de paquets par datagrammes, qui sera adoptée tant par Cyclades que par TCP/IP.

Rétrospectivement, il fallait un vrai talent de visionnaire, et un sacré culot, pour imposer les datagrammes : si l’on se replace dans la situation du début des années 1970, l’expérience en réseau était très faible, les lignes et les matériels si chers que pour toute expérimentation il fallait obtenir des crédits importants, les débits étaient ridicules à l’aune d’aujourd’hui. L’idée des circuits virtuels était beaucoup plus « rassurante », c’est sans doute ce qui a assuré son sucès temporaire, puisqu’aussi bien les réseaux X25 comme Transpac vont régner pendant une quinzaine d’années à partir de 1980.

Fin de Cyclades

En mai 1974 Valéry Giscard d’Estaing devient président de la République, et la politique industrielle française va changer. La Délégation à l’informatique supprimée en 1974, la CII est fusionnée avec Honeywell-Bull en 1975, autant dire que tous les soutiens de Cyclades disparaissent.

1978 est l’année de la publication du Rapport sur l’informatisation de la société demandé par le président de la République à Simon Nora et à Alain Minc. Ce rapport qui a beaucoup inspiré les politiques publiques confère aux télécommunicants un rôle central dans le développement des applications et des usages de l’informatique.

C’est pendant ces années que la DGT atteint le sommet de son effort de rattrapage du retard téléphonique français, les budgets et les soutiens politiques dont elle bénéficie sont considérables. La fusion de la CII avec Honeywell-Bull absorbe aussi des sommes énormes, de l’ordre de deux milliards de francs par an ; la nouvelle compagnie ne souhaite pas développer une architecture de réseau ouverte accessible à des matériels de la concurrence, et elle va développer une architecture fermée réservée à ses propres matériels.

Cette conjoncture défavorable va conduire à l’assèchement des sources de financement, et finalement à l’arrêt du projet en 1979.

C’est aussi en 1978 que la DGT lancera Transpac, réseau à commutation de paquets sur circuits virtuels, qui sera en 1980 le support des deux expériences pilote de lancement du Minitel : l’annuaire électronique à Saint-Malo et Télétel 3V à Vélizy.

Malgré les regrets que peut inspirer l’abandon d’un projet aussi précurseur que Cyclades, il faut reconnaître les qualités de Transpac : facturation indépendante de la distance et accès ouvert au grand public à des coûts abordables. D’ailleurs, de la fin des années 1980 à la fin des années 1990, beaucoup d’entreprises petites et moyennes utiliseront Transpac pour accéder à l’Internet.

Quelques leçons de cette première époque

Hubert Zimmermann, de l’équipe Cyclades, en développera les idées au sein des instances de normalisation de l’ISO pour aboutir au modèle Open Systems Interconnection (OSI), qui décrit les réseaux selon sept couches de protocoles. Il n’y a pas de réseau réel totalement conforme à l’OSI, mais ce modèle en couches est un formidable outil intellectuel. Avant l’OSI, les réseaux étaient de la magie noire, depuis l’OSI c’est devenu intelligible, ainsi que l’illustrent par exemple les livres d’Andrew Tanenbaum.

La communauté Unix, qui réunissait de nombreuses universités américaines, a joué un rôle capital dans le développement et l’adoption de TCP/IP. Cette communauté a aussi donné naissance au logiciel libre. L’essor initial de l’Internet est inséparable de ces expériences.

Si les PTT français ont demandé et obtenu la fermeture de Cyclades, au profit d’un système moins ouvert, moins novateur et moins versatile, leur homologue américain, American Telegraph and Telephon (AT&T) n’a pas été en reste, en luttant becs et ongles contre l’Internet. Où l’on voit que le monopole naturel, lorsque l’évolution du contexte économique et technique cesse de le justifier, se transforme en monopole arbitraire, soucieux surtout d’empêcher l’irruption d’innovations qui le remettraient en cause. Le livre de Valérie Schafer illustre ce phénomène par de nombreux exemples de textes émanant de dirigeants de la DGT et du CNET.

Avec les circuits virtuels, tous les paquets d’une communication donnée empruntent le même itinéraire, ce qui permet de les compter et de facturer l’abonné à l’octet près. Cette caractéristique est pour beaucoup dans le pouvoir de séduction des circuits virtuels auprès des télécommunicants. Le modèle de facturation au volume est tombé en désuétude, mais certains opérateurs de téléphonie mobile y songent à nouveau depuis l’essor du trafic de données sur les smartphones.

Pour Cyclades comme pour TCP/IP, à l’inverse de réseaux comme Transpac, la complexité du réseau est dans les extrémités, les ordinateurs connectés, et pas au cœur du réseau, qui reste le plus simple possible. Cétait au milieu des années 1975 un choix audacieux, parce que les ordinateurs de l’époque étaient chers, rares et peu puissants, mais finalement c’est ce qui a permis le déploiement prodigieux de l’Internet. En effet, ainsi, il était (et il est toujours) possible de créer un nouveau service sur un ordinateur, sans avoir à modifier le fonctionnement du réseau, et surtout sans avoir à demander l’autorisation de l’opérateur. C’est ce qui a fait la force de l’Internet, mais c’est ce dont les télécommunicants ne voulaient pas.

Vision internationale et analyse en profondeur

Cet ouvrage, que toute personne concernée (c’est-à-dire tout le monde) devrait lire, vaut aussi par le franchissement de certaines barrières :

 loin de se borner au récit de péripéties franco-françaises, l’auteur les replace dans leur contexte international, ce qui donne au lecteur une bonne synthèse des origines de l’Internet, et de celles des réseaux X25 tels que Transpac, avec au passage une remise en perspective nuancée des légendes populaires sur les origines militaires de l’Internet ;

 plutôt que de se limiter à l’histoire institutionnelle livrée par les documents d’archives (dont elle a au demeurant brassé un volume impressionnant, tant à l’INRIA Rocquencourt qu’au CNET à Lannion, aux Archives et Patrimoine historique de France Télécom à Ivry, à Fontainebleau, chez Bull à Bobigny...), Valérie Schafer s’est donné la peine de « plonger au cœur de la boîte noire » (pour reprendre, p. 316, une expression de Janet Abbate, auteur de Inventing the Internet, une chercheuse dont elle semble intellectuellement proche), pour comprendre et pour nous expliquer les fondements scientifiques et techniques du fonctionnement des réseaux évoqués ici ;

 sans se placer d’un côté ou de l’autre de la césure entre « approche internaliste et externaliste de l’histoire des techniques » (p. 316), notre auteur fait place dans son livre aux aspects techniques et scientifiques, mais aussi politiques, économiques et institutionnels, sans négliger non plus la subjectivité des acteurs, « les paysages mentaux des chercheurs mais aussi des décideurs ».

Bref, nous attendons avec impatience le prochain épisode, qui devrait décrire l’apparition de l’Internet en France.