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Un manuel tout frais
Introduction à la science informatique - pour les enseignants de la discipline en lycée
par une équipe dirigée par Gilles Dowek
Article mis en ligne le 25 juillet 2011
dernière modification le 13 juillet 2018

par Laurent Bloch

J’ai sous les yeux le manuel Introduction à la science informatique - pour les enseignants de la discipline en lycée, ouvrage collectif dirigé par Gilles Dowek, avec des auteurs tels que Jean-Pierre Archambault et Patrick Cégielski, et préfacé par Gérard Berry, destiné à la formation des futurs enseignants voués à inaugurer la spécialité « Informatique et Sciences du numérique » en terminale scientifique à la rentrée 2012. Première impression, extérieure et superficielle, ce livre, édité par le Centre régional de documentation pédagogique de Paris, est superbe, belle maquette, illustrations en couleur, présentation élégante (en un mot, latexienne) des textes des algorithmes.

Seconde impression : tant de science en 375 pages ! C’est un exploit. Ce manuel poursuit un objectif qui est aussi le mien depuis plus de quinze ans : enseigner l’informatique à des élèves qui ont un autre métier, une autre discipline et un emploi du temps contraint. La spécialité Informatique et Sciences du numérique devra en effet être enseignée par des enseignants volontaires d’autres disciplines, qui seront formés à partir de la rentrée 2011 par les universités, à raison d’une journée par semaine, en plus de leur service, allégé certes. Le manuel contient donc, sous une forme très concentrée, l’essentiel de ce qu’il faut savoir pour pouvoir prétendre savoir de quoi il s’agit quand on parle d’informatique. L’exercice est réussi au-delà de toute espérance. Certes, il sera facile de le critiquer, parce qu’il a fallu effectuer des choix drastiques. Ainsi, le système d’exploitation est sacrifié au profit de l’architecture, les exposés sur le réseau mériteraient plus d’illustrations : mais rien de rédhibitoire.

Dans les années 1970, voire 1980, les manuels d’informatique étaient le plus souvent laids et ennuyeux : c’était l’époque où l’informatique était vue comme une technique issue de la mécanographie, grise et pénible. En feuilletant ce manuel, on mesure le chemin parcouru ; l’informatique d’aujourd’hui assume son statut de science, sans avoir besoin pour cela d’exhiber des raisonnements ou des résultats incompréhensibles au commun des mortels, non, simplement en exposant, de la façon la plus claire possible, ses concepts et ses démarches. Le manuel est organisé autour de quatre concepts fondamentaux, dont on peut dire qu’ils sont les piliers de la science informatique : algorithme, machine, langage, information (qui comporte codage).

La question que je me pose porte plutôt sur la capacité des futurs enseignants à assimiler tout cela. Bien entendu, introduire sérieusement l’informatique dans l’enseignement secondaire, ce qui est une nécessité vitale pour notre pays si nous prétendons encore rester un pays développé, supposerait la création d’un CAPES et d’une agrégation d’informatique, avec la constitution d’un véritable corps professoral, et l’inscription au programme de toutes les sections d’un enseignement obligatoire substantiel. Rappelons d’ailleurs que dans ce domaine nous n’avons cessé de régresser : il y a eu un baccalauréat technique informatique, supprimé, il y a eu un enseignement informatique en classes préparatoires scientifiques, supprimé pour les filières les plus « nobles », sans oublier la suppression de l’option informatique des lycées d’enseignement général des années 80 (suppression en 92, rétablissement en 94 puis à nouveau suppression en 97), ni la suppression en 2008 de la part informatique de l’enseignement de technologie des collèges. Le fait que l’introduction à petite dose de cette spécialité optionnelle doive être considérée comme une avancée a quelque chose de pathétique, de l’ordre du suicide intellectuel collectif.

Bref, à supposer qu’il y ait des enseignants volontaires pour recevoir l’enseignement décrit par ce manuel, ils vont à mon avis avoir du mal à absorber en si peu de temps tout ce savoir, qui constituerait le programme d’un CAPES de plein exercice. Mais c’est un autre problème.

Il n’en reste pas moins que ce livre est d’une haute tenue, tout en restant très accessible, il résulte d’une ascèse remarquable pour circonscrire le noyau de la science informatique contemporaine. Il sera très utile pour entamer la réflexion sur le programme de formation des professeurs pour une véritable introduction de l’informatique dans notre enseignement secondaire.