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Grandes entreprises françaises : vers l’extinction des dinosaures
Article mis en ligne le 8 août 2018
dernière modification le 15 novembre 2022

par Laurent Bloch

WhatsApp

WhatsApp, développé par la société du même nom, ultérieurement achetée par Facebook, est un système génial de communication orale ou visuelle et de partage de documents de toutes sortes. Mon épouse, partie pour cinq semaines en Côte d’Ivoire, avait souscrit auprès d’Orange un abonnement mobile complémentaire qui lui a coûté près de 200 euros, pour une qualité de communication incertaine. Dès qu’elle a pu accéder à l’Internet par un réseau Wifi, elle a pu téléphoner gratuitement ad libitum, envoyer des photos et des vidéos par WhatsApp. En Afrique ce système est très répandu. On pourra lire aussi l’interview de Dana Diminescu intitulée Que change le numérique à la vie des migrants ?.

Quelques mois plus tard, lors d’un anniversaire familial, mon épouse, toujours elle, prend quantité de photos et de vidéos, qui bien sûr saturent la mémoire de son téléphone. Je suis prié de transférer tout cela sur son ordinateur et de l’effacer du téléphone. Mais à peine était-ce fait (grâce à WiFi File Transfer, qui ouvre un serveur Web sur le téléphone) que l’heureuse titulaire de l’anniversaire (sa fille aînée) ouvre une page WhatsApp de photos, que mon épouse souhaite alimenter avec ses œuvres, or il n’y a pas de client WhatsApp pour Linux (il y en a pour macOS et Windows). Vais-je être contraint de tout recopier sur le téléphone ? Que nenni : il y a une solution par navigateur Web. On accède au site https://web.whatsapp.com/, qui affiche un magnifique QR code qu’il suffit de scanner avec le téléphone au moyen de l’option WhatsApp Web de l’application. Ainsi, le téléphone sert à identifier et à authentifier la transaction, qui se déroule ensuite entre l’ordinateur et le serveur, ce qui est quand même nettement plus pratique. Il me semble que l’épithète « génial » est approprié pour qualifier un tel système.

Mais ce qui est encore mieux, c’est de savoir que le développement initial de WhatsApp, selon Wired, a été réalisé par une équipe de seulement 50 ingénieurs. Pour un tel résultat il faut :

 des ingénieurs compétents, motivés et concernés par les objectifs à atteindre, par opposition à un troupeau d’esclaves entassés dans des open spaces et harcelés par des procédures RH tayloristes (ou pires) ;
 une organisation et des principes techniques de pointe, notamment le recours au langage de programmation Erlang, créé par Ericsson, de style fonctionnel et particulièrement prévu pour la programmation concurrente, temps réel et distribuée.

Face à une telle efficacité, Orange est en coma dépassé.

Sur un sujet voisin, on pourra lire un autre article de ce site :
Va-t-on enfin prendre l’informatique au sérieux dans ce pays ?

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Sum Up et iZettle

Les banques françaises exploitent le filon du paiement électronique de façon scandaleuse. Alors que cela leur économise tous les frais des paiements en liquide ou par chèque, elles imposent une redevance au pourcentage sur les paiements, et la location d’un terminal archaïque et cher, qui doit être raccordé au réseau filaire. C’est très coûteux et dissuasif pour les commerces mobiles, tels que marchés, foires, salons, porte à porte, etc. Ainsi j’en parle souvent avec mes commerçants du marché de Poitiers, que je ne peux payer qu’en liquide. Ce n’est pas non plus très enthousiasmant pour les taxis. Les contrats de mise en place du terminal sont au coup par coup, pas de prix public, de mauvaises langues pourraient dire que c’est à la tête du client, mais je n’irai pas jusque là. Il suffit de prendre Eurostar pour voir que dans les pays développés cela se passe autrement.

Mais les choses n’en restent pas là. En achetant un objet chez un artisan du Pont-de-Montvert, en Lozère, je l’ai vu sortir un petit terminal à carte (éventuellement sans contact), piloté par son téléphone portable auquel il était connecté en Bluetooth, et, après paiement, envoyer la facture par SMS. Je lui ai demandé comment s’appelait l’appareil : Sum Up. Il y a des concurrents : iZettle par exemple, et un site comparatif qui explique bien comment cela fonctionne. Le terminal coûte une vingtaine d’euros, après quoi il n’y aucun coût fixe, Sum Up comme iZettle se financent par une redevance à taux fixe de 1,75% (mise à jour 2022 : 1%) sur les achats, paiement en deux ou trois jours ; ce taux se compare très raisonnablement avec ceux des banques, qui imposent en outre des coûts fixes de plusieurs centaines d’euros par an.

Franchement, pourquoi passer encore par les terminaux des banques ?

Amazon

Ici même j’ai déjà exposé en quoi le service client d’Amazon était infiniment supérieur à celui, catastrophique, de ses concurrents français, et pourquoi son système d’auto-édition me permettait de rééditer mes livres abandonnés par leur éditeur initial, à un prix très inférieur, tout en rémunérant mieux auteur-éditeur et même libraire.

Je suis persuadé que les dirigeants des entreprises de grande distribution françaises ont compris qu’Amazon était pour eux une menace mortelle, mais ils n’y peuvent rien. Parce qu’ils ont négligé leur système d’information et leur site Web, pitoyables tous les deux, depuis des décennies. Parce que leur politique RH consiste, depuis longtemps, à embaucher des armées de vendeurs trop mal payés et des stagiaires pas payés du tout, et qu’ils en ont pour leur argent.

Free

De même pour Free : un article de ce site explique pourquoi chaque nouvel abonné qui reçoit une Freebox accroît l’avantage de Free sur Orange qui livre une Livebox. La Freebox a été conçue et réalisée par une équipe d’une dizaine de personnnes qui savaient ce qu’elles faisaient et pourquoi, tandis que la décision de lancer la Livebox, après avoir percolé à travers plusieurs couches (des centaines de personnes) de bureaucrates et d’X-Télécom hostiles à l’Internet et ignorants de sa nature, a débouché sur des contrats de sous-traitance minables et des livraisons de matériels hétéroclites et dysfonctionnels.

Là aussi, il ne servirait à rien que la direction d’Orange fasse appel à un cabinet de conseil compétent et scrupuleux pour remettre l’entreprise sur la bonne voie : les défauts qui la vouent à l’échec sont trop profondément enracinés dans sa culture.

Il existe une tentative pour conjurer cette fatalité : la création d’Orange Business Services (OBS) pourrait aboutir à la création d’une entreprise nouvelle, conforme aux exigences modernes et efficace, qui se substituerait à Orange old style, qu’il suffirait de laisser s’éteindre. Dans la même veine, la création d’Ouigo pourrait être la planche de salut d’une SNCF irrémédiablement archaïque. Mais je crains que la persistance de ces deux cultures d’entreprise périmées ne permette pas l’aboutissement de ces tentatives.

Extinction des dinosaures

On pourrait multiplier de tels exemples ; croire aujourd’hui que l’on peut faire marcher une entreprise industrielle, de services ou commerciale en traitant l’informatique et l’Internet par dessous la jambe, c’est comme penser créer une industrie sans électricité : c’est bien sûr possible, les usines textiles de Manchester à l’époque de Karl Marx en étaient la preuve, mais cela n’a aucune chance de succès au XXIème siècle. Eh bien c’est la même chose pour l’informatique.

Les entreprises nouvelles des exemples ci-dessus, WhatsApp, Amazon, Free, ont bâti leur succès sur leur système d’information (SI) et leur informatique. Si on regarde, pour comparer, les systèmes d’information et les infrastructures informatiques des entreprises traditionnelles, même sans entrer dans les détails, difficiles à connaître, des processus internes, on remarque des différences flagrantes. Les « traditionnels » utilisent des outils... traditionnels : Microsoft et Oracle à tous les étages ; outre que cela grève leurs budgets et rend très difficile tout changement d’orientation, ces systèmes canalisent leurs développements vers des solutions d’une lourdeur insupportable, pour le plus grand bénéfice des éditeurs de logiciels en question. Les « nouveaux », qui ont construit leur SI à partir d’une feuille blanche, ont choisi d’emblée des solutions modernes et légères, à base le plus souvent de logiciels libres et de langages modernes, ce qui leur assure des coûts moindres et une adaptabilité bien meilleure. Les autres ne survivront pas. Plus je participe aux travaux de l’Institut de l’Iconomie, plus j’en suis convaincu.