Blog de Laurent Bloch
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ISSN 2271-3980
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Pour une vie libre et fière, à tout prix :
Liberté, un film de Tony Gatlif
Les Tsiganes sous Vichy et l’occupation

Article mis en ligne le 1er mars 2010
dernière modification le 2 mars 2010

En vertu d’un décret signé en avril 1940 par Albert Lebrun, président de la République, qui plaçait les Tsiganes [1] sous surveillance de la police et de la gendarmerie et interdisait leur vie nomade, la République française, dès le printemps 1940, arrêta et enferma dans des camps de concentration des Tsiganes, sans aucune justification. Le régime de Vichy continua et accentua cette répression arbitraire qui pour beaucoup finit par la déportation et la mort.

Une trentaine de camps de concentration pour les Tsiganes (pas toujours exclusivement) s’ouvrirent sur le territoire français, le principal fut sans doute celui de Montreuil-Bellay, près de Saumur, dont Jacques Sigot a écrit l’histoire dans son livre Ces barbelés oubliés par l’histoire — Un camp pour les Tsiganes... et les autres. Les derniers Tsiganes ne furent libérés qu’en 1946 (oui, 1946).

L’occupation et la collaboration allaient aggraver considérablement le sort des Tsiganes. Après plus de soixante ans de silence honteux, cette persécution oubliée revient enfin à la surface.

C’est de ces événements qu’il est question dans le film de Tony Gatlif, Liberté. Nous sommes en 1943, le film s’ouvre sur le cheminement, dans une forêt, d’un convoi de roulottes tirées par des chevaux. Une famille tsigane se dirige vers un village où ils ont l’habitude de faire les vendanges, mais c’est la guerre, tout est plus difficile, la surveillance des gendarmes se rapproche, d’anciens amis deviennent des délateurs. Leur vie devient de plus en plus précaire.

Dans cette précarité ils vont trouver des amis : Claude, un petit « gadjo » qui a perdu sa famille et qui s’attache à eux, le maire du village, qui va essayer de les sauver, l’institutrice, qui est dans la résistance et qui voudrait bien que leurs enfants viennent à l’école.

Un jour les gendarmes viennent les arrêter et les emmènent dans un camp de concentration. Pour les en faire sortir, le maire du village leur vend, pour une somme symbolique, une ferme abandonnée. Ce titre de propriété devrait les faire échapper à la condition de nomades, et permet de les extraire du camp. Mais pour un Tsigane, la vie entre quatre murs est tout simplement impossible. L’appel de la route sera le plus fort, et cette fois les gendarmes et les Allemands ne laisseront pas de chance de salut.

Si le style cinématographique de Tony Gatlif n’est pas celui dont je suis le plus coutumier, ce qui est sans doute le plus réussi dans son film est la façon dont il a réussi à animer pour nous le style de vie, l’âme tsigane. À part quelques comédiens professionnels, ses acteurs sont des Tsiganes venus de Transylvanie, où ils mènent une vie très semblable à celle des personnages qu’ils interprètent.

La première scène dans le camp de concentration (reconstitué avec l’aide de Jacques Sigot) est frappante : après l’agitation perpétuelle du camp de roulottes, c’est l’immobilité sidérée des
prisonniers, qui fait comprendre par contraste l’appétit débridé de liberté des Tsiganes. la séquence dans le camp est poignante. J’avais déjà frôlé cette empathie à la lecture du livre formidable d’Isabel Fonseca Enterrez-moi debout ! : l’odyssée des Tsiganes. Vous pouvez aussi écouter une belle interview de Tony Gatlif en voyant des extraits du film.

C’est pour moi la grande leçon de ce film : la vie libre et fière des Tsiganes. La liberté et la fierté : des choses dont nous avons bien besoin aujourd’hui, et pour lesquelles les Tsiganes n’ont pas hésité à payer le prix maximum. Sans doute la contribution des Tsiganes à la civilisation mondiale.


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