Sam, un juif grec évadé de la dictature des colonels, veut mettre en scène Antigone d’Anouilh à Beyrouth en pleine guerre civile, avec des acteurs issus de tous les groupes religieux et nationaux en conflit : Antigone sera jouée par la Palestinienne Imane, Hémon par le Druze Nakad, Créon par le maronite Charbel, Ismène par l’Arménienne Yevkinée... « Voilà. Ces personnages vont vous jouer l’histoire d’Antigone. Antigone, c’est la petite maigre, qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu’elle va être Antigone tout à l’heure, qu’elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu’elle va mourir, qu’elle est jeune et qu’elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n’y a rien à faire. Elle s’appelle Antigone et il va falloir qu’elle joue son rôle jusqu’au bout... » (Jean Anouilh).
Cloué à Paris par le cancer, Sam transmet à Georges, le narrateur, militant maoïste d’après mai, le soin de mener son projet à bien. Mais en pleine répétition l’armée israélienne envahit le Liban et bombarde Beyrouth, avant d’ouvrir l’accès des camps de Sabra et Chatila aux phalangistes, qui en massacreront la population.
Après des assassinats et des saccages qui rendent dérisoire le projet théâtral, et des semaines d’errance au Liban, Georges réussit à quitter le pays par Jounieh et Chypre. Arrivé à Paris, il tente de reprendre sa vie d’époux d’Aurore et de père de la petite Louise, mais il est trop hanté par Beyrouth pour que cela se passe bien. Il ne parvient pas non plus à aller voir Sam, à l’hôpital où il agonise, pour lui avouer le naufrage d’Antigone. Il finira par retourner au Liban, pas pour le meilleur.
Ce livre m’a fait penser à « L’Attentat » de Yasmina Khadra, mais c’est encore plus dur. La lecture du dernier roman de Sorj Chalandon, Le Quatrième Mur, est une épreuve dont il est difficile de sortir indemne, mais qui mérite, vraiment, d’être menée à sa fin. Il est d’ailleurs difficile de s’arrêter une fois que l’on a commencé.