Blog de Laurent Bloch
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Un film documentaire tourné à Kaboul :
A Thousand Girls like me
par la cinéaste afghane Sahra Mani
Article mis en ligne le 30 mars 2019

par Laurent Bloch

L’héroïne de ce documentaire, Khatera, est une femme de 23 ans, violée par son père depuis son enfance, enceinte du deuxième enfant issu de ces actes. Selon la tradition locale, c’est elle la coupable de cette situation, et tout le monde, à commencer par sa mère, lui a conseillé de faire comme si de rien n’était. Néanmoins elle décide de se révolter, elle réussit à exposer son cas à la télévision, puis elle trouve une avocate et une association prêtes à la défendre, et un juge qui accepte de recevoir sa plainte. Le procès aura lieu, le père abusif sera condamné à mort, mais Khatera devra quitter le pays pour échapper aux menaces de représailles de ses oncles et aux harcèlements du voisinage : avec sa mère et ses enfants, à Kaboul, elle était sans arrêt obligée de déménager.

Avec un tel sujet, on pouvait craindre un film militant plein de bons sentiments, voire de condescendance occidentale : il n’en est rien. D’abord le fait que le film soit tourné à Kaboul par une réalisatrice afghane, qui est elle-même sa directrice de la photographie, donne un point de vue de l’intérieur. Ensuite, Sahra Mani a un sacré talent. Ses plans d’ensemble de Kaboul, ville construite à flanc de collines escarpées, sont superbes. Son approche des personnages (ceux qu’elle filme, parce que pour des raisons évidentes la partie adverse est absente) n’en caricature aucun.

Il n’en reste pas moins que les conclusions que l’on peut en tirer sur la condition de la femme en Afghanistan sont assez consternantes. D’après tous les personnages qui s’expriment dans le film, la situation de Khatera est loin d’être exceptionnelle, et ce ne sont certainement pas les interventions militaires extérieures qui y changeront quelque chose. Pour le Pakistan, le contrôle de l’Afghanistan est un impératif stratégique crucial, et le vecteur le plus efficace du moment pour effectuer ce contrôle est l’obscurantisme islamiste. Si on rappelle que le Pakistan est un pays de 200 millions d’habitants, doté de l’arme nucléaire, qui a reçu (reçoit-il encore ?) des milliards de dollars des États-Unis pour lutter contre les talibans, milliards qui ont largement servi à financer les dits talibans, on se dit que Khatera et ses enfants sont pour longtemps dans leur pays d’accueil.


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