L’ordinateur, notre compagnon de tous les jours, est désormais l’outil d’écriture le plus habituel. Ce qui ne dispense pas de réfléchir à la meilleure façon de s’en servir, parce que l’expérience quotidienne montre à l’envi que beaucoup d’auteurs ne trouvent pas facilement le style de rédaction et de présentation qui rendra la tâche du lecteur facile et agréable. Contrairement à une opinion répandue, cela demande réflexion, soin et travail, tout simplement parce que l’écriture est une des inventions les plus complexes de l’humanité, l’imprimerie aussi d’ailleurs, et que l’écriture et la publication assistées par ordinateur nous obligent à expliciter le traitement de cette complexité.
Souvent on me demande : « il me faut un logiciel de traitement de texte simple, je ne veux pas devoir acquérir de compétences spéciales ! » Si cette question ne trouve pas de réponse satisfaisante, c’est parce que les compétences à acquérir ne sont pour la plupart pas des exigences du logiciel, mais des compétences en composition typographique. Aussi l’auteur même occasionnel d’articles, de mémoires, de rapports ou de site Web ne perdra-t-il pas son temps, loin de là, en consultant des manuels de composition, telles les Petites leçons de typographie de Jacques André, qui a eu aussi l’amabilité de nous proposer en ligne une Bibliographie sur la typographie qui me dispensera d’en donner une ici. Et pour la mise en page on pourra commencer par la page de Roland Chabloz.
Pourquoi faut-il respecter les règles typographiques, qui pour la langue française sont élaborées par l’Imprimerie Nationale, mais aussi par l’Association des Typographes romands ? parce que loin d’être arbitraires, elles sont le fruit de quelques siècles d’expérience qui ont appris aux typographes que telle ou telle forme facilitait la lecture, à l’opposé de telle ou telle autre. En sus des règles proprement dites, il y a aussi de bonnes pratiques, qu’il faut également respecter. Ainsi, les polices sans empattements (comme Helvetica) donnent de bons résultats pour les titres et intertitres, cependant que les empattements des polices qui en ont (comme Times) facilitent la lecture du corps du texte parce qu’ils forment une ligne horizontale qui guide le déplacement de l’œil. La composition de longs paragraphes avec une police sans empattements rend la lecture pénible.
Les règles typographiques sont culturelles, chaque langue, chaque pays a les siennes, qui ont leur raison d’être, ou pas, mais il faut s’y tenir ; ainsi le lecteur francophone est habitué à ce que les signes de ponctuation doubles ( ; : ! ?) soient précédés d’une demi-espace (l’espace typographique est féminine), ce qui n’est pas le cas du lecteur anglophone, qui les voit accolés : chacun a droit au respect de ses habitudes de lecture, dont la violation n’a que des inconvénients, notamment une moins bonne réception du texte.
Ces particularités culturelles ne sont pas aussi arbitraires que l’on pourrait le croire : j’ai eu la chance d’entendre une conférence de Ladislas Mandel, un des grands créateurs de polices de caractères de la seconde moitié du XXe siècle, qui expliquait que la langue française, parcimonieuse dans l’emploi des majuscules, demandait des polices avec de grandes majuscules, comme le Garamond ou le Grandjean, le « Romain du roi », cependant que l’allemand qui en place en initiale de chaque substantif les veut moins hautes pour ne pas créer une véritable forêt de hampes, et que l’anglais siège entre les deux avec le raisonnable Times.
Sur la question du choix d’un logiciel, j’ai naguère écrit un article, accessible par le lien ci-dessous, intitulé
Avec quel logiciel écrire votre thèse ?, et qui me semble toujours d’actualité, même si entre-temps StarOffice est devenu OpenOffice.org. On consultera aussi avec profit l’article que mon ami Michel Volle a consacré à son apprentissage de LaTeX.