Blog de Laurent Bloch
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Un mélodrame géopolitique de Kabir Khan avec Harshaali Malhotra, Salman Khan et Kareena Kapoor :
Bajrangi Bhaijaan
L’Inde, le Pakistan, Musulmans et Hindous

Article mis en ligne le 15 août 2015
dernière modification le 16 août 2015

par Laurent Bloch

Dans les alpages du Cachemire pakistanais, une petite fille, Shahida, accompagne son père qui garde son troupeau de moutons. Shahida est muette, et ses parents décident de l’emmener visiter un saint homme musulman en espérant qu’il lui rende la voix, mais voilà, il réside en Inde, à Delhi. En période calme, il est possible de franchir la frontière, Shahida et sa mère prennent le train de Delhi.

Sur le trajet du retour, pendant la nuit, le train s’arrête en rase campagne, et la petite fille, qui s’est levée alors que sa mère dort, descend du train pour secourir un agneau tombé dans un trou ; le train repart avant qu’elle ait pu remonter. Elle réussit à monter dans un autre train qui la mène à Kurukshetra, où elle est recueillie par un Hindou qui l’héberge dans la maison de son futur beau-père, un brahmane rigoureux qui interdit que quiconque d’une autre caste pénètre dans sa maison.

Shahida est bien sûr incapable d’expliquer qui elle est et d’où elle vient, mais comme des deux côtés de la frontière on parle pendjabi (ou hindi et urdu, qui sont issus de la même langue l’hindustani), elle comprend ce qu’on lui dit, ce qui ouvre la voie à des rebondissements hilarants. Les voisins du brahmane sont musulmans, et l’odeur de leur cuisine semble bien plus appétissante à Shahida (que ses hôtes, dans l’ignorance de son nom, appellent Munni) que le régime brahmanique strictement végétarien, alors elle entre chez eux où on lui sert du poulet biriani qu’elle dévore avec appétit, ce qui plonge les brahmanes dans une perplexité quant à sa caste. Mais une partie du voile se lèvera lorsqu’ils passeront devant une mosquée : Shahida/Munni y entrera tout naturellement et ira s’asseoir avec les femmes.

L’acmé du dilemme aura lieu devant la télévison où toute la maisonnée regarde un match de cricket Inde-Pakistan : le Pakistan gagne, la consternation s’abat sur tout le monde, cependant que Shahida/Munni exulte et court embrasser le drapeau pakistanais sur l’écran. Là le maître de maison n’en peut plus et il enjoint à son futur gendre (enfin, de plus en plus hypothétique) de le débarrasser de cette enfant, innocente certes, mais mécréante et ressortissante d’un pays ennemi, DU pays ennemi par excellence.

En découlent une série d’épisodes rocambolesques, les ultra-nationalistes hindous organisent des manifestations anti-pakistanaises et prennent d’assaut la représentation du Pakistan à Delhi, à la suite de quoi la délivrance de visas est suspendue.

Au-delà d’un mélodrame bollywoodien de facture classique et bien tourné, ce film montre des hommes et des femmes généreux et de bonne volonté en Inde et au Pakistan, hindous et musulmans, qui finiront par avoir raison (grâce à Internet) des bureaucrates bornés et des militaires et policiers brutaux dont le fond de commerce est une hostilité entre deux pays qui n’ont plus guère de raison objective de se battre.

Bajrangi Bhaijaan en apprend beaucoup au spectateur français sur la profondeur du fossé qui sépare l’Inde du Pakistan, et pourtant sur la proximité de leurs deux peuples, qui en réalité sont le même malgré les efforts de leurs politiciens respectifs pour que tout les sépare. Le scénariste indien Vijayendra Prasad a veillé à ce que les hommes de religion musulmans apparaissent comme plus tolérants et plus ouverts que leurs collègues hindous (il y a un épisode où un imam avec side-car trompe la police pakistanaise pour sauver les fugitifs qui vaut son pesant de cheese-nan).


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