Blog de Laurent Bloch
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Un film de Marie-Clémence Andriamonta-Paes :
Fahavalo - Madagascar 1947
Une insurrection anti-coloniale
Article mis en ligne le 3 février 2019
dernière modification le 24 avril 2021

par Laurent Bloch

En 1939 l’armée française a mobilisé à Madagascar quelques 30 000 hommes, la plupart très jeunes. 10 000 rentreront chez eux en 1946, persuadés, comme on le leur a promis, qu’en juste retour des choses, après avoir contribué à la libération de la France, leur pays obtiendra son indépendance. Il n’en sera rien, et, comme en Algérie, cette trahison nourrira un sentiment de révolte chez les anciens combattants.

La révolte inspirée par les espoirs d’indépendance déçus sera à l’origine, en Algérie, dès le 8 mai 1945, de la révolte de Sétif et de Guelma [1], puis le 1er novembre 1954 du déclenchement de la révolution algérienne. À Madagascar ce sera en 1947 que la révolte éclatera, parmi les anciens combattants renvoyés au travail dans les plantations coloniales. Le foyer de l’insurrection sera à Manakara, terminus de la ligne de chemin de fer qui relie Fianarantsoa à la mer, dans le sud-est de l’île. Le film de Marie-Clémence Andriamonta-Paes accorde un rôle à ce chemin de fer, construit par des corvées coloniales pour l’exportation du produit des plantations de café et autres.

La répression par l’armée française sera violente et aveugle, elle fera des dizaines de milliers de morts [2], dont beaucoup sans aucun lien avec l’insurrection. Pour dissuader les Malgaches de demander des talismans protecteurs à leurs guérisseurs traditionnels, les militaires embarquent ces derniers à bord d’un avion et les précipitent dans le vide. Des anciens combattants sont arrêtés à leur domicile sans aucun motif, emprisonnés et exécutés sommairement.

Trois députés malgaches siègent à l’Assemblée nationale, Jacques Rabemananjara, Joseph Ravoahangy et Joseph Raseta réclament l’indépendance tout en condamnant le recours à l’insurrection armée : l’Assemblée vote la déchéance de leur immunité parlementaire, ils sont condamnés le premier aux travaux forcés à perpétuité et les deux autres à la peine capitale, Vincent Auriol les gracie mais ils passeront des années en prison.

Malgré un armement rudimentaire et un ravitaillement insuffisant, les insurgés résisteront dix-huit mois dans la forêt. L’administration coloniale les pourchassera jusque dans les années 1950.

Marie-Clémence Andriamonta-Paes a dépouillé pour préparer son film de nombreux fonds d’archives civiles et militaires, puis elle a entrepris un travail d’enquête sur les lieux de l’insurrection pour retrouver des témoins et des survivants des événements. Le film est organisé autour des entretiens avec ces derniers, sans omettre de nous montrer les villages et les collines du pays. La réalisatrice a aussi pu retrouver des photos et des fragments de films de l’époque coloniale, y compris des reportages sur l’insurrection proprement dite, sur les camps de prisonniers où l’armée allemande avait enfermé des soldats malgaches, sur la cérémonie du rembarquement vers Madagascar après la guerre (commentée par Pierre Sabbagh dans le plus pur style de la littérature colonialiste de l’époque !), sur le travail dans les plantations, etc.

Bref, en sus de nous informer sur un crime colonial trop peu connu, ce film est beau et nous fait découvrir un pays et son peuple. Ne le ratez pas !


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