En route pour le milliard (mieux nommé en anglais Downstream to Kinshasa) est un film documentaire de Dieudo Hamadi, présenté en sélection officielle au Festival de Cannes 2020. C’est l’histoire de l’Association des victimes de la Guerre des Six Jours de Kisangani. Du 5 au 10 juin 2000 les armées rwandaise et ougandaise se sont battues autour de cette ville de la République démocratique du Congo (RdC), les bombardements aveugles ont provoqué la mort d’au moins un millier de civils et laissé au moins 3000 blessés irrémédiablement mutilés.
Depuis 20 ans, les victimes se battent pour la mémoire de ce conflit et demandent réparation pour les préjudices subis. La Cour internationale de justice a déclaré l’Ouganda coupable de crimes de guerre et l’a condamné à indemniser les victimes, qui n’ont jamais rien reçu. Excédés par l’indifférence des institutions à leur égard, ces hommes et ces femmes, tous mutilés, certains amputés ou en fauteuil roulant, décident de se rendre à Kinshasa pour faire entendre leurs voix.
Il n’y avait pas beaucoup d’infrastructures de transport du temps de la colonisation belge, maintenant il n’y en a plus du tout, sauf celles qui permettent le transport des minerais. Alors pour se rendre de Kisangani à Kinshasa il n’y a qu’un moyen : en bateau sur le fleuve Congo. 1734 kilomètres, plus d’un mois de navigation. C’est ce voyage des victimes de Kisangani que Dieudo Hamadi a filmé, en les accompagnant sur un bateau improbable, exposés à toutes les intempéries, une odyssée déchirante dans des paysages sublimes.
Lorsqu’ils arrivent à Kinshasa ils se rendent à l’Assemblée nationale, où bien évidemment personne ne se soucie de les recevoir. Ils organisent un défilé dans la ville, puis une sorte de piquet de grève devant le Parlement, ils tentent d’adresser la parole aux parlementaires qu’ils voient entrer ou sortir, ceux-ci les ignorent, des policiers viennent les chasser malgré leurs infirmités.
Il y a un autre documentaire consacré à ce fleuve de 4371 kilomètres, Congo River de Thierry Michel. En amont de Kisangani la navigation sur le fleuve est interrompue par les chutes Boyoma [1] : une ligne de chemin de fer longue de 125 kilomètres permettait de contourner l’obstacle et d’assurer ainsi la continuité des transports, mais elle avait été abandonnée et la voie recouverte par la végétation. Le film montre comment les employés de la compagnie ferroviaire, qui n’étaient pas payés depuis des années, ont entrepris de remettre la ligne en service, ce qui fut fait en 2006, année de la sortie du film. On voit aussi un bateau de passagers échoué sur un banc de sable depuis trois mois, parce que le lit du fleuve n’est plus dragué, mais la solidarité n’est pas un vain mot ici, les habitants des villages environnants viennent ravitailler les passagers abandonnés...
Dans la série des documentaires sur la RdC, il faut voir aussi Makala, d’Emmanuel Gras. Kabwita Kasongo vit au village avec sa femme et ses trois filles. Pour gagner assez d’argent pour recouvrir le toit de leur maison de tôle ondulée, il fabrique du charbon de bois (makala) qu’il prévoit d’aller vendre à Kolwezi, ville minière assez prospère distante d’une cinquantaine de kilomètres. Le moyen de transport des sacs de charbon de bois : son vélo. Temps de voyage : plusieurs jours, par champs, routes et pistes, un vrai calvaire, et à l’arrivée la déception. Ce film n’échappe pas au reproche de misérabilisme, mais il a le mérite de montrer de façon vivante le pays et ses habitants.
Et j’avais oublié Système K de Renaud Barret (qui avait déjà fait Benda Bilili ! avec Florent de La Tullaye), un film complètement dément consacré aux artistes de rue de Kinshasa ! Regardez au moins la bande annonce, elle en dit plus que ne le pourraient mes commentaires.
Ces films ne passent probablement pas en salle actuellement, mais vous devriez les trouver sur des sites de vidéo à la demande (VOD) ou en DVD.