Le 16 juillet prochain sera célébré le 75ème anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv. À cette occasion le Président de la République a jugé bon d’inviter le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu à Paris pour participer aux cérémonies. Je n’approuve pas cette invitation, parce qu’elle me donne le sentiment que mon pays, la France, le seul État dont je sois et souhaite être citoyen, m’incite à faire allégeance à un État étranger parce que je suis juif.
Les 16 et 17 juillet 1942, 13 152 hommes, femmes et enfants juifs avaient été arrêtés par les autorités françaises, à l’injonction des autorités allemandes d’occupation. Détenus dans des conditions inhumaines pendant quatre jours, 1129 hommes, 2916 femmes et 4115 enfants furent entassés sur les gradins du Vélodrome d’hiver (démoli en 1959), voué aux courses cyclistes, avant d’être emmenés dans les camps de Beaune-la Rolande et Pithiviers (Loiret), puis déportés à Auschwitz, dont seuls une centaine devaient revenir vivants. C’est l’honneur de Jacques Chirac d’avoir été le premier chef d’État français à reconnaître la responsabilité de la France dans cette contribution au génocide des juifs.
Cet événement concerne au premier chef les descendants des victimes, juifs français ou présents sur le territoire français au moment où il a eu lieu. En invitant Benjamin Netanyahu, et lui seul [1], le gouvernement français lui reconnaît de fait la qualité de représentant des Juifs de France. Au-delà, il accepte la prétention de l’État d’Israël à être l’État de tous les Juifs dans le monde. C’est inadmissible.
Reconnaître l’État d’Israël comme l’État de tous les Juifs dans le monde, cela signifie qu’Israël serait un État pour des juifs qui ne résident pas sur son territoire et qui n’ont jamais souhaité être ses citoyens. Cela signifie aussi, et c’est bien plus grave, que l’État d’Israël n’est pas un État pour ceux de ses citoyens qui ne sont pas juifs, soit 20 % de sa population, essentiellement les Palestiniens de nationalité israélienne, comme l’avait souligné dans un livre l’universitaire israélien Shlomo Sand.
Cette invitation consternante laisse craindre que le gouvernement actuel, comme ses prédécesseurs, se prêtera à la bouffonnerie ridicule de participation aux dîners du CRIF, ce Conseil soit-disant représentatif des institutions juives de France, où toutes sortes de politiciens français viennent faire allégeance à ce qui n’est en fait qu’un lobby de soutien à la politique israélienne.
J’ai voté sans arrière-pensée pour Emmanuel Macron et pour le député de la République en marche de ma circonscription, et je l’assume, je ne suis pas naïf au point de croire que tout ce qui sera fait par ce gouvernement me plaira, mais là cela me reste au travers de la gorge.