Tout en appréciant ton article de blog, et l’invitation à voir le film, j’ai regretté sa conclusion qui m’a parue trop négative.

Pour côtoyer des personnes qui ont vécu la même expérience, j’en retiens des éléments beaucoup moins sombres :

– si la majorité étaient des étudiants à l’époque, tous n’étaient pas, loin de là, des enfants de bourgeois (contrairement à ce que dit un cartouche de pré-générique) : beaucoup étaient issus de petites classes moyennes dont la relation avec les « classes laborieuses » ne remontait pas à plus d’une génération, d’autres étaient fils d’agriculteurs, d’artisans, etc. et ces « nouveaux intellectuels » de mai 68 ne sont pas tous devenus des membres de l’élite des baby-boomers.

Donc, même s’il y a eu après coup beaucoup de frustrations et d’illusions envolées, des deux côtés, je ne parlerais jamais de mensonge ou d’hypocrisie.

– d’autre part, la rencontre avec le monde ouvrier, issue de leur formation politique - si caricaturale qu’elle ait pu être - a eu des répercussions sur la suite de leur carrière et de leurs engagements et, en regard, les trajectoires de nombre d’ouvriers, les évolutions des syndicats, les nouvelles luttes paysannes, la dimension internationaliste et écologiste des combats sont nées en partie de ces moments-là (la Loire-Atlantique en fournit de nombreux exemples).

Il me semble qu’on peut porter au crédit de ces trajectoires l’idée que « un travailleur manuel, c’est un intellectuel qui sait se servir de ses mains » !

Et que l’expérience de la solidarité et de la fraternité ne s’est pas refermée après celle de « l’établissement ». Le nouveau rapport au travail des jeunes générations ne va-t’il pas un peu dans le même sens ?

Donc pourquoi « jeter le bébé avec l’eau du bain » ? …

Du point de vue cinématographique, cette fois, je livre à ta lecture la critique de J-M Frodon parue dans A.O.C. Elle permet de situer l’histoire de Linhart dans une dimension toute personnelle et de ne pas en faire « le » symbole des établis. A défaut, le message risque de passer au-dessus de la tête de ceux qui découvrent le film - et qui ne liront peut-être jamais le livre.