Blog de Laurent Bloch
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La justice et le génocide, longtemps après :
Le Labyrinthe du silence
Un film de Giulio Ricciarelli
Article mis en ligne le 4 août 2015
dernière modification le 8 août 2015

par Laurent Bloch

Longtemps certains crimes commis par les nazis pendant la guerre sont restés impunis. Les meurtriers pris dans le feu de l’action ou juste après la Libération ont été jugés et condamnés, mais ceux qui avaient réussi à s’échapper ont généralement profité du déclenchement de la guerre froide ou de complicités diverses (Église catholique, dictatures espagnole, sud-américaines ou moyen-orientales). Un cas spécial est celui de la réticence des autorités judiciaires allemandes et autrichiennes à juger leurs propres ressortissants coupables de génocide ou d’autres crimes. C’est le sujet de deux films récents, assez réussis, qui méritent d’être vus, Le Labyrinthe du silence et La Femme au tableau.

Le Labyrinthe du silence

Le Labyrinthe du silence est un film allemand du réalisateur italien Giulio Ricciarelli. La scène est à Francfort en 1958, où le jeune procureur Johann Radmann (personnage de fiction inspiré de trois personnages réels) découvre petit à petit, au fur et à mesure d’une enquête de routine, ce qui s’est passé à Auschwitz, qui l’a commis, et comment certains des responsables continuent à mener une vie paisible et prospère en Allemagne. S’il est encouragé dans son enquête par le procureur général Fritz Bauer (il est juif, c’est un personnage réel) et par les autorités américaines d’occupation qui (malgré leur scepticisme initial) lui ouvrent leurs archives, le moins que l’on puisse dire est que ni ses collègues ni la police ne l’aident vraiment, du moins au début. Le pire est qu’il découvrira dans les archives que son propre père, contrairement à ce que sa mère lui avait toujours dit, avait été membre du parti nazi.

Avoir adhéré au parti nazi est une chose, il pouvait être difficile d’y échapper : je me souviens, lors d’un séjour en Allemagne de l’Est en 1963, d’avoir donné mes chaussures à ressemeler chez un cordonnier qui avait accroché au mur de sa boutique son diplôme professionnel orné d’une grande croix gammée ; j’en ai eu un haut-le-cœur, mais était-ce si surprenant ? Avoir sévi à Auschwitz est autre chose. Néanmoins la tendance dominante dans la République fédérale des années 1950-60 était à « passer l’éponge ». Simplement cette histoire ne passe pas.

Le jeune procureur sera soutenu dans sa démarche par plusieurs rencontres : d’abord celles, bouleversantes, des survivants qui viennent dans son bureau pour contribuer à l’enquête, ce qui lui ralliera également un collègue procureur et sa secrétaire. Ensuite un journaliste tenace lui fait rencontrer un juif qui est le seul survivant de toute sa famille assassinée, sa femme et ses filles comprises ; il se rendra à Auschwitz avec le journaliste. Les témoignages recueillis permettront d’identifier les coupables et de constituer les charges qui seront produites contre eux.

Finalement les obstructions seront presque toutes déjouées (le docteur Mengele, médecin tortionnaire d’Auschwitz, viendra festoyer en famille en Allemagne et reprendra son avion sans être arrêté), et 22 membres de la direction du camp seront arrêtés et jugés de décembre 1963 à août 1965 à Francfort lors de ce que l’on a appelé le Second procès d’Auschwitz.


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