Blog de Laurent Bloch
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ISSN 2271-3980
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Un livre d’Ilan Duran Cohen
Le Petit Polémiste
Quand le monde sera parfait...
Article mis en ligne le 19 décembre 2020

par Laurent Bloch

Ce roman d’anticipation modérée (2031) commence sur un mode burlesque : à cette date la rectitude politique a triomphé en France, un ministère de la Parité animale veille au bien-être de nos frères et sœurs eucaryotes, la consommation de viande et d’alcool est sévèrement rationnée et contrôlée par un système de tickets, la délation citoyenne responsable et solidaire permet d’améliorer le niveau de civisme de la nation, les ministères de la Responsabilité Carbone et de l’Eau veillent à ce que la population reste sale et vêtue de haillons recyclés malodorants, les chaussures en cuir sont bien sûr interdites, ainsi que les vêtements de laine (le coton est toléré, les tissus synthétiques préconisés). La possession d’un téléphone mobile est obligatoire dès l’âge de trois ans, mais uniquement d’un modèle agréé par les ministères de l’Intérieur et des Postes, qui ne permet que les communications autorisées.

Justement le héros du roman, un polémiste télévisuel de renommée modérée mais très apprécié des adolescents et des jeunes hommes des milieux populaires, reçoit la visite d’un huissier accompagné de deux policières robustes parce qu’il détient de façon illicite un vieux Nokia interdit. L’appareil est détruit sur place à coups de masse par une des policières, cependant que la caméra fixée à l’épaule de l’huissier filme les réactions du coupable, de nature, si elles sont négatives ou agressives, à diminuer son mapping, note de conformité sociale exigée pour toutes sortes de circonstances, telles que l’obtention d’un emploi ou d’un logement. Mais l’interrogatoire relatif au téléphone interdit se poursuit :

« — Il semblerait que vous soyez intervenu sur son mécanisme pour vous connecter aux réseaux d’une façon illicite.

— Je l’ai trouvé ainsi. Il était tout mouillé. C’est peut-être l’effet de l’eau de pluie ou de la rosée du matin ?

— Vous êtes juif, monsieur Conlang ? Votre téléphone est hors service le samedi.

— Ah bon ?

— Seriez-vous aussi musulman pratiquant ? Certains de vos points de localisation proviennent du Territoire autonome… »

Le Territoire autonome : en effet, les citoyens musulmans, excédés par l’interdiction de la circoncision, de l’abattage rituel et du hallal, se sont révoltés, et ont obtenu la création d’un Territoire autonome à Marseille, où les lois sont différentes. Pour profiter de ces lois moins soucieuses de conformité aux idées morales du moment, « le grand prix de formule 1 de Monaco, interdit depuis longtemps, y fut transféré et on ressortit les vieux modèles Porsche ou Ferrari qui grondaient joyeusement en lâchant leurs vapeurs si nocives. Le Mans négociait aussi avec les autorités du Territoire un transfert, car les batteries de la voiture électrique de course ne tenaient toujours pas vingt-quatre heures d’affilée. Les Espagnols voulurent aussi y recréer leurs défuntes corridas, mais on les pria de parfaire leur dossier de candidature... ».

Du coup, pour des raisons analogues, et aussi sous prétexte de les protéger de dangers plus ou moins réels, on avait créé pour les juifs qui tenaient encore à se revendiquer comme tels un Ghetto, dans le XVIIe arrondissement de Paris, avec lui aussi des lois différentes, ce qui permettait, comme avec le Territoire autonome musulman, de fructueux marchés noirs. À chaque contrôle d’identité le stagiaire du héros, juif au patronyme sans équivoque, est fermement prié par la police de regagner le Ghetto, parce que sinon les autorités ne pourront se porter garantes de sa sécurité.

En fait les ennuis d’Alain Conlang ont commencé lors d’un dîner en ville tellement ennuyeux qu’après s’y être copieusement enivré (avec le vin de marché noir qu’il avait apporté) il avait tenu des propos nettement misogynes, à la suite de quoi tous les convives, y compris ses amis de toujours, avaient porté plainte contre lui. Son mapping est catastrophiquement décrémenté, sa carte professionnelle de polémiste autorisé menacée, sa jeune maîtresse se lasse de lui, il est convoqué de tribunal en commissariat. Par souci de meilleure répartition des emplois sur le territoire, les commissariats de la moitié nord de la France ont été regroupés à Roubaix, où il est transféré par TGV cellulaire. Le tribunal lui propose une transaction : castration chimique de niveau 4, qui avec un peu de chance devrait lui permettre de retrouver un peu de vie sexuelle au bout d’une dizaine d’années.

Comment notre héros va-t-il se dépêtrer de cet imbroglio bien-pensant ? Vous le saurez en lisant le livre...