Blog de Laurent Bloch
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Un film de Jihane Chouaib
« Go Home » avec Golshifteh Farahani
Article mis en ligne le 25 décembre 2016

par Laurent Bloch

Nada, une jeune Libanaise qui a quitté son pays avec sa famille à cause de la guerre civile (1975-1991), revient dans la maison de son grand-père, à la montagne, avec l’espoir de s’y installer. La maison a été profanée et dévastée par les milices, la population du village est sourdement hostile, des événements dramatiques ont sans doute eu lieu mais on ne sait pas très bien lesquels. Nada rend visite à sa grand-tante Nour, l’interroge sur le destin du grand-père, sans obtenir de réponse claire. Des scènes de violence entr’aperçues dans son enfance lui reviennent en rêve, elle revoit aussi des épisodes où, avec son petit frère Samir, ils s’entraînent secrètement à marcher sac au dos dans la montagne pour se préparer à la clandestinité, non sans avoir enterré dans le jardin une boîte en fer blanc qui contient leurs trésors enfantins les plus précieux. Deux ou trois jours plus tard Nour meurt, Nada refuse de se prêter au cérémonial convenu auquel l’incite sa tante Colette.

Ce film gagne à être vu deux fois, parce qu’il comporte un suspense assez puissant qui laisse attendre des événements dramatiques ou des rebondissements, alors que le plus important n’est pas là, mais dans les intonations, les gestes, la rencontre de Nada avec un jeune villageois, Jalal, au début hostile, puis qui l’aidera à rendre tant bien que mal un visage humain à la maison et au jardin, l’arrivée de Samir, chargé par leur père de vendre la maison, les relations entre le frère et la sœur, pleines de camaraderie et de colère.

Outre sa beauté, Golshifteh Farahani est une actrice exceptionnelle (vous pouvez l’écouter sur France Culture ici, très intéressant). Lorsque son agent lui a communiqué le scénario, elle l’a lu dans la nuit et a appelé Jihane Chouaib à l’aube pour lui dire qu’elle voulait jouer dans ce film, comme nous l’apprendra la réalisatrice lors d’une présentation au Studio Saint-André des Arts. Jihane Chouaib cherchait une Antigone, elle l’avait trouvée, elle la compare à Ingrid Bergman, ce à quoi je n’avais pas pensé, mais c’est vrai. J’avais plutôt pensé à Claudia Cardinale dans Sandra [1], à cause des relations frère-sœur, aussi parce que le décor de Volterra et de la maison familiale dans le film de Visconti n’est pas sans ressemblance avec celui de la maison libanaise, et aussi parce là aussi il y a eu dans le passé un événement dramatique que l’entourage s’emploie consciencieusement à oublier.

La question linguistique tient une place essentielle dans ce film : comme la réalisatrice, l’héroïne a quitté le Liban enfant, son accent arabe laisse à désirer, elle doit affronter les gens pour ne pas être considérée comme une étrangère, d’où le titre du film. Et comme il est courant là-bas les dialogues passent sans cesse du français à l’arabe. D’où s’imposait le choix d’une actrice dont ni l’arabe ni le français ne soient la langue maternelle. Golshifteh Farahani parle parfaitement le français avec une légère pointe d’accent, et pour les dialogues en arabe elle a demandé à Jihane Chouaib de les enregistrer, ce qui lui permettait de les apprendre avant chaque séance de tournage.

À la fin, Nada et Samir partiront vers le Sud pour chercher les traces de leur grand-père. Ils rencontreront une jeune femme qui leur montre, au-delà des collines, son pays, la Palestine, qu’elle n’a jamais connu. Une tombe à moitié détruite est peut-être celle du grand-père, mais pour Nada ce n’est plus cela qui importe, elle a trouvé en elle la réponse à ses interrogations.


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