Ulrich Zwingli était un réformateur suisse, contemporain de Martin Luther et plus radical que lui. Ordonné prêtre en 1506, il rencontre en 1516 Érasme, qui aura une influence décisive sur sa pensée et sa théologie. Aumônier des troupes suisses lors de la bataille de Marignan (1515), il en conçoit une vive réprobation pour le mercenariat et pour la guerre. En 1523 il rédige 67 thèses qui l’opposent directement à la doctrine et à la hiérarchie de l’Église catholique. Il gagne à sa cause le conseil municipal de Zurich, qui passe à la Réforme, ainsi que l’abbesse du couvent de Fraumünster. Il abolit la vente des indulgences, la messe, le latin dans la liturgie, le carême, la musique liturgique, le célibat des prêtres (lui-même se marie et aura quatre enfants). Il sécularise les monastères et consacre leurs biens à des œuvres charitables et à la généralisation de l’instruction. Il dirige une équipe de traduction de la Bible en allemand (semble-t-il quelques années avant Luther, la date est sujet de controverses), fonde des chaires d’hébreu et de grec, envisage une traduction du Coran.
Le film de Stefan Haupt évoque essentiellement, par une belle prise de vues, les épisodes zurichois de la prédication de Zwingli, ainsi que son idylle et son mariage avec Anna Reinhart, qui était veuve (cet aspect de la biographie est assez largement romancé, parce que l’on ne sait pas grand-chose de cette dame). Les scènes de vie quotidienne, à la maison, à l’auberge, sont belles comme des tableaux hollandais de la grande époque. L’épisode de l’impression des premiers tracts et sermons dans l’atelier du typographe Christoph Froschauer est aussi très remarquable.
J’ai assisté à la première parisienne du film, en présence du metteur en scène et de l’historienne du protestantisme Marianne Burkard, sans être un documentaire le film est fidèle à la réalité historique.
La réforme de Zwingli ne va pas sans susciter une contre-attaque de l’Église et des cantons traditionalistes de Suisse centrale. Zwingli ne s’entend pas avec Luther, qui reste attaché à la présence réelle de Jésus-Christ dans l’eucharistie ; ce désaccord le prive du soutien des puissantes cités réformées d’Allemagne. Il doit aussi faire face à une opposition dans son propre camp, celle des anabaptistes, notamment Felix Manz et Conrad Grebel, émules de Thomas Müntzer, encore plus radicaux : ils refusaient le baptême des enfants, et en fait toute sorte d’autorité, ce que les autorités municipales de Zurich ne pouvaient accepter.
Finalement, après plusieurs années de trêves, une guerre éclate avec les cantons catholiques conservateurs, l’armée de Zurich est vaincue et Zwingli tué. Mais ses idées lui survivent, d’abord grâce à son successeur Heinrich Bullinger, puis jusqu’à aujourd’hui. La Réforme de Zwingli s’est fondue dans celle de Jean Calvin et persiste dans la Suisse contemporaine, ainsi qu’aux États-Unis.
Ce film est à conseiller, parce qu’il nous donne une idée assez fidèle d’un monde et d’une humanité d’il y a cinq siècles, lorsque le destin de l’âme après la mort importait plus que les conditions de la vie terrestre, en bref, d’un monde où la religion était ce qui importait le plus, ce que nous avons souvent du mal à nous imaginer.