Blog de Laurent Bloch
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ISSN 2271-3980
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Enseigner la bioinformatique au Cnam
Article mis en ligne le 25 octobre 2022
dernière modification le 4 novembre 2022

par Laurent Bloch

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Au début des années 2000 William Saurin et moi-même avons quitté l’Institut Pasteur, dont le cours d’informatique en biologie est maintenant dirigé par Catherine Letondal et Katja Schuerer. Le Conservatoire national des Arts et Métiers envisage de créer un cursus de bioinformatique. Fouad Badran et Michel Scholl, professeurs des universités en informatique au Cnam, sont chargés de l’organiser, ils s’adressent à William et à moi, bientôt rejoints par Jean-Louis Spadoni et Meziane Yacoub, maîtres de conférences au Cnam, puis par Alexandre Salzmann. Les premières réunions préparatoires se tiennent à la rentrée 2003.

Pour établir le programme du cours, nous nous inspirons bien sûr de notre expérience à l’Institut Pasteur, tout en sachant que nous disposons de beaucoup moins d’heures d’enseignement. Scheme sera donc le premier langage, sachant que s’ils continuent l’année suivante, ce qui est conseillé, ils feront du Java. Ce seront des cours du soir destinés en priorité à des étudiants qui travaillent, soit deux heures par jour [1]. Même en prenant tous les jours ouvrés de la semaine, ce qui en pratique est impossible, et en tenant compte des vacances et des sessions d’examen, on peut difficilement dépasser 30 semaines de cours dans l’année. Pour le cours Pasteur nous avions les étudiants et la majorité des enseignants sur place toute la journée, y compris en dehors des heures d’enseignement proprement dites, ce qui permettait une pédagogie plus intensive.

Heureusement nos enseignements s’adresseront à un public de qualité : les étudiants du Cnam ne cesseront de m’impressionner par leur abnégation, leur persévérance, leur appétit de savoir. La plupart d’entre eux arrivent en cours après un trajet compliqué depuis leur lieu de travail, et repartent ensuite vers leur domicile, éventuellement en grande banlieue. Théoriquement notre première année d’enseignement délivre un « Certificat de compétence » en bioinformatique, éventuellement suivi d’une licence professionnelle, puis d’un diplôme d’ingénieur. Ce dispositif s’adresse théoriquement à des techniciens qui veulent monter en compétence, voire devenir ingénieurs. En pratique le public est très hétérogène, depuis des littéraires en mal de reconversion pour cause de marché de l’emploi défavorable jusqu’à des docteurs en biologie, éventuellement en poste dans des laboratoires de recherche, qui prennent conscience des lacunes informatiques de leur formation.

Avantage de la bioinformatique sur l’informatique pure, nous aurons chaque année un public équilibré entre femmes et hommes, et aussi beaucoup d’étudiants étrangers, surtout originaires du continent africain. En fait, nous le savons depuis le cours Pasteur, pour enseigner l’informatique à des biologistes, ou a fortiori à des littéraires, il faut absolument bannir des cours d’algorithmique et de programmation les exemples mathématiques. Et cela tombe bien, les problèmes de biologie moléculaire relèvent essentiellement de l’algorithmique du texte, qui se contente sur le plan du calcul de l’addition entière et de la comparaison. La gestion des données fait appel aux algorithmes de recherche et de tri. Automates finis et langages réguliers complètent le tableau. Dans les limites du budget horaire imparti il est difficile d’aller plus loin qu’une introduction à ces vastes sujets, complétée par un cours d’introduction à la logique.

Le Cnam possède un département d’informatique et un département de biologie, dont on pourrait attendre une coopération harmonieuse pour un cours de bioinformatique. Les bonnes années, quand la biologie et l’informatique s’entendent bien, c’est-à-dire que les unités d’enseignement (UE) de bioinformatique sont validées pour les diplômes de biologie, nous avons un afflux d’étudiants, qui ne savent d’ailleurs pas toujours très bien où ils mettent les pieds, et qui sont très étonnés quand ils découvrent que nous nous attendons à ce qu’ils se mettent à programmer. Et les mauvaises années, quand le torchon brûle entre les chaires, nous sommes devant des salles moins pleines mais en moyenne plus motivées.

À partir de 2012 je suis tombé sous le coup d’un règlement bureaucratique quelconque qui interdit de rémunérer les heures d’enseignement d’un quidam de plus de 65 ans. J’ai néanmoins poursuivi ces enseignements, pour le plaisir mais clandestinement, jusqu’à ma soixante-quinzième année.


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