Blog de Laurent Bloch
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ISSN 2271-3980
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Un film de Kaouther Ben Hania :
La Voix de Hind Rajab
présenté par Jean-Pierre Filiu
Article mis en ligne le 27 novembre 2025

par Laurent Bloch

Hier soir, mercredi 26 novembre, à l’Arlequin, j’ai assisté à la première du film La Voix de Hind Rajab de la cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania, présenté par Jean-Pierre Filiu, qui lui-même a passé plus d’un mois à Gaza pendant l’hiver 2024-2025.

Hind Rajab est une petite fille palestinienne de cinq ans ; le 29 janvier 2024 elle monte en voiture avec son oncle, sa tante et leurs enfants parce que l’armée israélienne a ordonné l’évacuation du quartier de Gaza où ils habitent. Ils obéissent donc à cet ordre, mais cela n’empêche pas l’armée de tirer sur la voiture, dont tous les occupants sont tués sauf la petite fille et une de ses cousines, restées coincées entre les cadavres.

La cousine, Layan Hamadeh, pourra téléphoner à la Société du Croissant-Rouge palestinien, avant d’être elle-même tuée. Mais c’est ainsi que les secouristes pourront rappeler, Hind décrochera et le contact sera établi. À partir de ce moment le film montre principalement les secouristes du Croissant-Rouge, dépourvus de moyens d’action dans leurs locaux de Ramallah, en Cisjordanie, à 83 km de Gaza et deux frontières à traverser, cependant que la bande son donne à entendre la voix de Hind au téléphone, ce sont des enregistrements authentiques. Cette voix sera désormais le fil conducteur du film.

Le Croissant-Rouge dispose d’une ambulance dans le Nord de la bande de Gaza, mais pour qu’elle puisse accéder à la voiture où se trouve Hind il lui faut passer par l’intermédiaire du Comité international de la Croix-Rouge à Jérusalem, qui lui-même s’adressera au Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT, organisme militaire israélien chargé depuis 1981 d’administrer les civils dans les territoires palestiniens occupés) pour obtenir un itinéraire autorisé. Une fois l’itinéraire fixé, il faudra encore attendre le feu vert de l’armée.

Commencent alors des heures d’attente, cependant que les secouristes à bout de nerfs s’efforcent de tranquilliser Hind, toujours présente au téléphone.

Finalement un itinéraire est fixé, le feu vert est donné, l’ambulance avance vers la voiture, tout semble bien se passer : sans compter la volonté meurtrière des militaires israéliens, qui attendent l’arrivée de l’ambulance pour la bombarder ainsi que la voiture, Hind et les deux ambulanciers, Yusuf al-Zeino et Ahmed al-Madhoun, sont tués de façon délibérée.

L’armée israélienne niera évidemment, mais une enquête du Washington Post basée sur les données de géolocalisation et sur les constatations sur place lorsqu’il sera possible d’aller sur les lieux, douze jours plus tard, confirmera que des véhicules blindés israéliens se trouvaient effectivement à proximité de la voiture où le corps de Hind a été retrouvé et que le trou de 300 mm sur l’ambulance du Croissant-Rouge correspondait à un obus de char israélien. Le Washington Post confirme également que l’épave de l’ambulance a été retrouvée sur un itinéraire fourni par le COGAT.

Jean-Pierre Filiu nous a avertis : on ne revient pas de Gaza, lui-même n’en est toujours pas revenu. À une échelle moindre, on ne sort pas de ce film, il est indispensable de le voir, mais il faut prévoir quelque chose de réconfortant ensuite, soirée avec des amis par exemple. Vous n’oublierez pas la voix de Hind.